La Mercedes-Benz W196
Au début des années 50, Mercedes-Benz fait son grand retour en compétition automobile en intégrant le tout nouveau championnat du monde de Formule 1. Une voiture selon les normes du nouveau règlement de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA) est spécialement développée : la Mercedes-Benz type W196. Dotée de toutes les technologies innovantes de l’époque, elle va écraser la concurrence et s’imposer dans la plupart des Grands Prix où elle est engagée. Juan Manuel Fangio obtient ainsi, avec sa W196, son deuxième et son troisième titre de champion du monde.
Des modèles W125/W154 au modèle W196
1954 – Après 15 ans d’absence dans les compétitions automobiles majeures, Mercedes-Benz fait son retour par la grande porte dans la course monoplace dans le championnat du monde F1 créé en 1950. La W196 est la digne descendante des flèches d’argent W125 et W154 qui ont dominé les « Grands Prix automobiles » à la fin des années trente (championnat d’Europe des pilotes qui existait avant la création en 1950 du championnat du monde de Formule 1). Les années 1937 et 1938 consacraient ainsi Rudolf Caracciola champion d’Europe des pilotes sur les Mercedes-Benz W125 en 1937 et W154 en 1938.
La Mercedes-Benz W196 dans le championnat du monde de F1 1954 et 1955
L’année 1954 marque le retour de la marque à l’étoile en compétition. Les quatre premières années du championnat du monde avaient été marquées par la domination des italiennes Alfa Roméo (1950-1951) et Ferrari (1952-1953) alors que la marque à l'étoile était absente.
Au début de la cinquième saison du championnat du monde, la W196 n’était pas encore prête. Alfred Neubauer, directeur sportif légendaire de la marque à l’étoile de 1926 à 1955, propose alors à l’argentin Juan Manuel Fangio de débuter la compétition dans l’écurie Maserati. Mercedes-Benz ne commence la compétition qu'à l’occasion du quatrième Grand Prix sous l’écurie « Daimler-Benz ». Les flèches d’argent, la fameuse W196, font leurs premiers tours de piste en F1 le 4 juillet 1954 lors du Grand Prix de France sur le circuit de Reims. Le pilote n° 1 de l’écurie, Juan Manuel Fangio, déjà sacré champion du monde en 1951 sur Alfa Roméo, remporte cette première course du Grand Prix de France devant la deuxième W196 pilotée par Karl Kling ! Curieux hasard, le même jour l’équipe de football allemande remporte sa première coupe du monde !
Grand Prix de France 1954 - Fangio (18) et Kling (20) en première ligne sur W196S |
Grand Prix de France 1954 (Reims) - Kling (20) et Fangio (18) |
Dès sa première année de compétition chez Mercedes-Benz, le génie argentin est sacré champion du monde des pilotes sur la Mercedes-Benz W196. Les flèches d’argent W196 remportent 4 des 9 Grands Prix de la saison 1954 (France, Allemagne, Suisse et Italie). La même année Karl Kling se classe 5ème sur une autre W196 engagée dans la compétition.
Alfred Neubauer et Juan Manuel Fangio |
Le championnat du monde de F1 de 1955 assoit la domination de la Mercedes-Benz W196. Les pilotes de la marque à l’étoile sont pour cette nouvelle saison Juan Manuel Fangio et Stirling Moss ! Les deux pilotes feront le doublé au championnat du monde. L’année 1955 couronne pour la 3ème fois l’argentin. Les W196 remportent 5 des 7 Grands Prix (4 pour Fangio et 1 pour Moss). Elles s’imposent ainsi en Argentine, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Italie.
Stirling Moss - W196 "Monoposto" |
Monaco 1955 - Stirling Moss (n° 6) et Juan Manuel Fangio (n° 2) sur W196 "Monoposto" |
Entre 1954 et 1955, la W196 remporte donc 9 des 12 manches disputées ! La domination de la marque à l’étoile est alors écrasante. Les moyens financiers mis en œuvre sont considérables par rapport aux autres marques engagées.
La saison 1955 sera amputée de 4 Grands Prix par décision des gouvernements concernés (France, Allemagne, Espagne et Suisse) suite au terrible accident de la Mercedes 300 SLR au 24 heures du Mans 1955. Directement impliquée, la marque allemande prend alors la décision de se retirer définitivement du sport automobile. Elle reviendra à la compétition en F1 en tant que constructeur 55 ans plus tard…
Caractéristiques techniques de la W196
Le développement de la W196 a été lancé en 1952 par Fritz Nallinger, assisté par Rudolf Uhlenhault, ingénieur en chef du département de course. La W196 a été développée sur la base du nouveau règlement de la FIA de 1954 qui autorisait des voitures d’une puissance maximale de 2500 cm3 atmosphérique ou de 750 cm3 à compresseur. Sa carrosserie profilée était à la fois pratique en terme d’aérodynamisme et visuellement attrayante. Le moteur de la W196 utilisait un système de distribution desmodromique qui utilisait l'arbre à cames pour ouvrir et fermer les soupapes. Ce système permettait au moteur de monter à de très hauts régimes (8500 t/m). Les performances de la W196 sont très largement supérieures à la concurrence. Lors du Grand Prix de France de 1954, Fangio dépasse pour la première fois la barre symbolique des 200 kms/h de moyenne sur un circuit européen lors des séances d’essais. Fangio remporte le Grand de Prix de France à une vitesse moyenne de 187 km/h sur une distance de course de 506 km ! A titre de comparaison, les actuelles F1 courent à une vitesse moyenne de 200-220 km/h et la distance de course est d’environ 310 km…
Quatorze châssis de la W196 furent construits pour la compétition entre 1954 et 1955. La W196 fût produite en deux versions :
- Une version W196S avec une carrosserie enveloppante « Streamliner » (la règlementation l’autorisant à l’époque) pour les circuits rapides comme Reims, Monza et Silverstone :
Mercedes-Benz W196S "Streamliner" |
W196S "Streamliner" - Musée Mercedes-Benz de Stuttgart |
- Une version classique W196 « Monoposto » en forme de cigare avec les roues découvertes. Cette version plus agile était adaptée aux circuits sinueux :
Mercedes-Benz W196 "Monoposto" |
Imposant moteur M196 - 8 cylindres en ligne de 2496 cm3 |
Les deux versions avaient la même conception mécanique et structurelle. Seule la forme de la carrosserie les distinguait. La carrosserie était composée dans un alliage aluminium / magnésium. Elle était posée sur châssis en acier tubulaire de 2,35 mètres.
La collection Mercedes-Benz compte à ce jour six exemplaires, quatre à roues apparentes, dont deux sont exposées au musée Mercedes-Benz de Stuttgart, et deux à carrosserie enveloppante. La W196S n° 18 pilotée par Juan Manuel Fangio est également exposée au musée de Stuttgart.
W196S n° 18 et W196 n° 2 - Musée de Mercedes-Benz de Stuttgart |
W196 S "Streamliner" n° 18 - Musée de Mercedes-Benz de Stuttgart |
W196 "Monoposto" n° 2 - Musée de Mercedes-Benz de Stuttgart |
La Mercedes-Benz W196 n° 12 avec laquelle Fangio gagna les Grands Prix d’Allemagne et de Suisse en 1954 a été vendue aux enchères en 2013 pour presque 23 millions d’euros, le prix de la rareté !
W196 n° 12 vendue aux enchères du festival de Goodwood en 2013 pour 23 millions d'euros |
La carrière de la Mercedes-Benz W196 a été courte : 1954 et 1955. L’écurie allemande faisait alors un retour triomphal sur la scène des Grands Prix. La W196 était programmée pour être la machine à gagner ; elle aurait certainement dominé la compétition pendant plusieurs saisons. Le Mans 1955 et sa terrible catastrophe qui provoqua la mort de plus de 80 personnes sonna le coup d’arrêt de la W196 et de la marque à l’étoile dans la compétition automobile mondiale.
Le palmarès accumulé sur les saisons 1954 et 1955, les innovations techniques et technologiques des deux versions de la W196, l’esthétisme de ces flèches d’argent ont fait rentrer les W196 au panthéon des voitures de courses.
Bronze de Fangio et de sa W196 - Musée Mercedes-Benz de Stuttgart |
Auteur : Alain Lemercier
Une belle histoire bien documentée et illustrée. Continuez comme ça !
RépondreSupprimerun vrai plaisir de découvrir ce modele d exception,bravo ALAIN
RépondreSupprimerLa légende veut que les voitures de course MB sont devenues les flèches d’argent après un excès de poids sur la balance au Mans qui a amené à mettre à nu la carrosserie alors traditionnellement blanche… Est-ce bien vrai ?
RépondreSupprimerBonjour Arnaud ! Comme toutes les légendes, difficile de savoir ce qui est vrai ou faux ! Je n'ai pas exactement la même version même si nous nous rejoignons sur le problème poids. En 1932, la règlementation impose une limite de poids pour les véhicules de course, soit 750 kg. Lors d'une course organisée en juin 1934 sur le Nürburgring, la Mercedes-Benz W25 dépassait de quelques kilogrammes la limite des 750 kg. Alfred Neubauer, alors directeur des courses MB, propose de poncer la peinture. La W25 entre alors dans les limites autorisées. La carrosserie traditionnellement blanche se retrouve alors dans son état "brut" en aluminium brillant. La W25 gagne alors la course et la presse en profite pour surnommer la W25 : "Flèche d'argent". Début du mythe...
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